ISSU DU MAG DE JUIN 2020 – Auteur Fred PORCEL

MA FILLE A DIX SEPT ANS. PRÉOCCUPÉ DEPUIS LONGTEMPS PAR L’ÉTAT DE LA PLANÈTE ET LE MODÈLE DE SOCIÉTÉ DANS LEQUEL ELLE GRANDIRA, JE ME SUIS DEMANDÉ TRÈS TÔT SI, SUR CES SUJETS, JE DEVAIS DIRE LES CHOSES OU RELAYER LE DISCOURS AMBIANT, LAISSANT CROIRE QUE DEMAIN SERA MEILLEUR QU’AUJOURD’HUI.

D’un côté, être lucide – sans noircir le tableau, ce n’est pas nécessaire – lui permettrait de gagner un temps précieux pour voir le monde tel qu’il est, au risque d’un stress difficile à gérer. De l’autre, partager l’insouciance collective l’aiderait à se fondre dans la masse.

La réflexion fut courte. Parce que s’il est déjà pénible d’avoir collaboré à une société aussi injuste et absurde – quelle autre espèce est assez stupide pour détruire son propre environnement ? – il m’a paru impossible de faire comme si je ne savais pas. Comment aurais-je pu la regarder en face, sachant que j’avais participé délibérément à la destruction de son avenir ?

Alors tant pis. Au risque de dénoter dans un paysage ronronnant de likes, de sourires publicitaires et de convictions tièdes, j’ai dit que le Père Noël existe mais qu’il ne viendra plus, ses rennes crèvent de chaud. Que les animaux de ses imagiers sont des légendes disparues. Que la Terre hésite entre devenir une décharge ou une étuve. Que les décideurs savent, bien sûr, mais qu’ils ne feront rien : les médias dont dépendent leurs carrières appartiennent à des milliardaires qui façonnent l’information et choisissent des marionnettes dociles, garantes de leurs seuls intérêts, qu’ils font élire à l’aide de fake news qu’ils appellent des « plans com ». Que pendant que les citoyens sont bercés de fables réconfortantes, leurs droits se réduisent comme peau de chagrin tandis que les caisses des États sont vidées par une poignée de profiteurs. Qu’il ne faudra rien attendre de ce système qui préfère l’anéantissement plutôt que de laisser la place.

LA NOUVELLE GÉNÉRATION AFFICHE UN VRAI ESPOIR
Face à ce constat, paradoxalement, la nouvelle génération affiche un vrai espoir. D’abord parce qu’elle n’a pas le choix : cette société touche à sa fin, il faut la remplacer ou sombrer avec elle. Ensuite et quitte à en changer, autant faire mieux, ce qui ne sera pas difficile. Si Homo Conso a reproduit des successeurs à son image, partout sur la planète une autre jeunesse s’est levée : de Fridays for Future à Extinction Rebellion, le nombre de ceux qui rejettent
l’ancien monde ne cesse de croître. Ils sont des millions. Leurs attentes sont immenses, leurs idées brillantes et leur détermination féroce. Le futur qu’ils désirent est à des années-lumière de celui qu’ils ont sous les yeux : résilient, humain et juste, tout le contraire de celui qui est en train de disparaître.

Alors oui, le chantier est colossal : habitat, énergie, alimentation, économie, rapports humains… tout est à refaire. Et rien ne sera facile. Rien ne sera donné. Les tenants du modèle actuel ne se laisseront pas faire. Après avoir tenté de ridiculiser les défenseurs d’un autre avenir – en vain : comment peut-on prétendre donner des leçons quand ce que l’on défend s’effondre sous nos yeux ? – ils sont aujourd’hui prêts à tout pour tenir encore. Il faudra prendre, ne rien demander. Mais n’est-ce pas plus enthousiasmant que de s’insérer mollement dans un système à bout de souffle, avec pour seul objectif de le faire durer encore un peu pour qu’une poignée continue d’en profiter ?

Après l’alimentation le mois dernier, l’habitat sera au programme du prochain épisode. Quand celui d’Homo Conso doit être en dur, le plus grand possible et à crédit sur vingt ans, la nouvelle génération le veut écologique, abordable et, pourquoi pas, mobile. Refusant de courir après les chimères de ses ancêtres, elle veut reprendre sa liberté.

Au mois prochain, peut-être.

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